Ouais !!! le chapitre 10 !! ^^ je rentre dans la dizaine de chapitres écrits ^-^ Espérons que je continue à être inspirée pour la suite ^^

 

 

Chapitre 10 : Chez soi.
 
 
 
   Un peu sonnée, Emi se redressa péniblement, le côté gauche tout plein de neige. Elle s’assit sur ses genoux lorsque son chien lui sauta dessus et la fit bousculer en arrière. Il lui léchait le visage comme s’il n’était pas assez humide. « Doucement, Hikari, doucement » lui dit-elle en repoussant gentiment le gros berger allemand. Le chien lui obéit et s’assit sur ses pattes arrière, la langue pendante pendant que sa maîtresse se leva. Lorsqu’elle redressa la tête vers sa maison, elle vit son grand frère courir vers elle, mais Emi redoutait ce qui allait lui arriver : allait-elle être accueillie par une étreinte fraternelle ou plaquée au sol pour punition ? Elle fut surprise de voir que son grand frère la prit dans ses bras et la serra contre lui comme jamais. « Tori, j’ai du mal à respirer... » lui chuchota-elle à l’oreille. Le jeune homme robuste desserra son étreinte. Il était grand, environ 1m85 soir une tête et demie de plus que sa jeune sœur. Il avait les cheveux mi-longs châtain clair ébouriffés. Deux yeux vert foncés perçaient à travers quelques mèches de cheveux qui penchaient vers la droite. Son visage était fin, les pommettes et les joues rebondies. Il portait ce jour-là un pull col roulé noir et un jean un peu délavé. D’un coup, il prit les mains de sa sœur comme pour la retenir près de lui, comme pour qu’elle ne puisse s’échapper une nouvelle fois.
« - Tu sais que tu nous as fait un sang d’encre, à moi et à papa ! Tu es devenue folle ou quoi ! s’écria Tori, les joues rouges.
- Non, non. Je ne l’ai pas fait exprès...
   - Ah bon ?! Ce n’est pas de ta faute si ton corps s’est baladé je ne sais où pour faire je ne sais quoi pendant plus d’une semaine ?!
- C’est que...C’est dur à expliquer...
   - Avec papa on a appelé la police !! Est-ce que tu te rends compte de l’angoisse qu’on a eu ?! J’ai cru que tu avais été kidnappée puis tuée avec tous les gangs de malfrats qui rôdent en ce moment dans la ville ! Ou pire encore...
- C’est bon ! Je sais ce que tu ressens ! Je ne recommencerai plus ! Maintenant, lâche-moi !! »
Emi libéra ses mains de celles de son frère et courut vers la maison, son chien la suivant derrière elle. La jeune fille ouvrit brusquement la porte d’entrée et retira ses chaussures boueuses à cause de la neige. Le berger allemand se secoua avant de sortir un « wouf ! » qui signalait la venue de quelqu’un avec sa grosse voix grave. Tout était calme dans la maisonnée. Dans la cuisine, le père d’Emi attendait, assis sur une chaise en bois, les coudes sur la table. Il n’avait prêté aucune attention à l’aboiement d’Hikari. Sa tête dans ses mains, il semblait pleurer. Emi s’avança silencieusement vers lui puis posa une main sur son épaule. Il se redressa immédiatement et, voyant que sa fille se tenait devant lui, resta stupéfait, la regardant plus que tout. Il avait le visage creusé de rides et de cernes, la peau du front légèrement plissée. Ses quelques cheveux grisonnants semblaient ne pas avoir été peignée depuis un bon moment. Il avait des yeux noirs, comme sa benjamine. Il était à peine plus grand qu’Emi. En une fraction de seconde, il prit sa fille dans ses bras et pleura silencieusement sur son épaule. Emi posa elle aussi sa tête sur l’épaule gauche de son père et ferma les yeux.
« - Que c’est bon de te revoir, papa.
- Moi aussi, ma fille, je suis soulagé de te revoir. Et tellement heureux... »
Elle embrassa son père sur la joue et l’aida à aller se reposer sur le canapé. Il n’avait pas dormi depuis quatre jours. Soulagé que sa fille soit revenue, il s’endormit directement, un petit sourire sur le coin de ses lèvres gercées. Emi lui étendit une couverture avant de monter silencieusement les marches de bois vers les étages supérieurs. En haut, seule l’aiguille de horloge résonna dans le couloir. Elle entendit au dessous un « wouf ! » d’Hikari et son frère marmonner une phrase incompréhensible. La main sur la rampe de bois, elle se dirigea vers la porte du fond, celle de sa chambre. A sa droite, une porte était entrebâillée : celle de la chambre de sa sœur Yuichi. Elle entra. Toute la pièce était plongée dans le noir mais une masse sombre se distinguait sur le lit. Emi secoua légèrement la masse, qui bougonna avant d’allumer la lampe de chevet. « Qu’est ce que tu fous ici Emi ? » demanda Yuichi d’une voix endormie. A la lueur de la lampe, ses cheveux, d’un châtain clair, paraissaient blond foncé. Ses yeux étaient noirs profond, comme son père. Son visage était pâle : était-elle malade ? Emi lui adressa un sourire, sans un mot, et sortit de la chambre de sa grande sœur. Elle referma sa porte, puis alla ouvrir celle de sa chambre, situé au bout du couloir.
 
   Dès qu’elle entra dans sa chambre elle sentait la pièce fraîche et propre : son frère a dû la nettoyer pendant son absence. La pièce était telle qu’elle l’avait laissée avant son départ : sur la gauche se trouvait son bureau et son ordinateur. Les étagères, situées juste au dessus du meuble, étaient remplies de CD et d’albums, de DVD et de livres. Sur la plus haute étaient posées ses nombreuses coupes et médailles en or qu’elle gagnait dans les championnats de gymnastique. Sur le bureau, des feuilles étaient rangées en un petit tas : il s’agissait de son devoir de mathématiques qu’elle avait à peine rempli et qu’elle devait rendre il y a une semaine. A côté de la table de bois était placé son armoire où elle avait entreposé tous ses vêtements et quelques unes de ses fournitures scolaires. Les grandes portes étaient vitrées et Emi remarqua qu’en l’espace d’une dizaine de jours, elle avait grandit de deux centimètres. La partie de la pièce opposée à la porte d’entrée était composée d’une immense baie vitrée, donnant un panorama sur la rue du quartier. Sur le pan de mur de droite, collé au mur, il y avait son lit aux draps blanc, immaculés. Il y avait également un meuble où étaient posés une télévision et une Game Cube, ainsi qu’une vingtaines de jeux vidéo et quatre mannettes branchées. Emi se souvena de quelque chose et alla fouiller dans ses jeux. Elle passa l’index sur Fire Emblem: Path of Radiance, Super Smash Bros Mêlée, Soul Calibur II et The Legend of Zelda : The Wind Waker avant de tomber sur celui qu’elle voulais trouver. Elle retira trois mannettes et mit le jeu en route. Elle prit sa chaise de bureau et s’installa devant l’écran. Une belle musique résonna de son ampli et elle sélectionna un fichier. Dans le jeu, elle incarnait une fille habillée avec une tenue mauve de ninja et un gros noeu rose volait dans son dos. Elle engagea un combat avec un monstre : Zélos, Raine, Lloyd et Sheena formaient son groupe de combat. Elle mit le jeu en pause et resta bouche bée. Ces derniers jours, elle était à Sylvaha’lla, le monde réunifié du jeu Tales of Symphonia qu’elle avait fini et recommencer une partie. Elle était dans un jeu vidéo, mais toutes les personnes, le paysage, les aliments parraissaient si réels ! Elle resta un bon moment ainsi, affalée sur sa chaise à roulette, observant l’écran figé de combats où les quatre petits personnages se tenaient prêt à combattre contre un dragon noir. Pendant un instant elle pensa que les jours qu’elle avait vécu en leur compagnie n’était qu’un rêve, une illusion, et qu’en réalité elle avait été séquestrée on ne sait où pour faire on ne sait quoi. Le monde réel ne pouvait s’être mélangée au monde virtuel. Dégoûtée, elle éteigna le jeu et prit son mp3 et son casque. Elle mit « Love to love you baby » de David Vendetta à fond et se coucha sur son lit, les yeux rivés sur le plafond blanc. Quelques minutes plus tard, Emi s’endormit. « Emi, il est l’heure de... Ah... ». Tori entra dans la chambre de sa sœur pour la prévenir que le repas était prêt mais, voyant qu’elle dormait profondément, il lui retira son casque et la laissa en paix. En bas, seuls Tori et Yuichi étaient à table. Ils étaient assis l’un en face de l’autre et se regardait droit dans les yeux, sans un mot.
« - Alors, comme ça la petite fille chérie à son papounet et à son grand frère est rentrée ? Quel miracle ! engagea Yuichi sur un ton ironique.
- Commence pas à jouer comme ça avec moi, Yuichi. Je suis fatigué...
   - A cause de qui ? Lorsqu’elle fugue, tout le monde va la chercher. Mais c’est bien sûr ! C’est la fille cadette alors tout le monde doit s’occuper d’elle, n’est ce pas ?
- Ce n’est pas parce que toi, tu te barres tout le temps avec des drogués au quatre coins de la ville que l’on doit forcément venir te chercher à chaque fois.
   - Pourquoi pas ?
- Déjà, tu es majeure, tu fais ce que tu veux, tu n’es plus sous la responsabilité de papa. Ensuite, ça a été un choc de perdre maman, alors Emi, elle qui lui ressemble tellement... Je ne veux pas la perdre non plus !
   - Dis le aussi que je ne suis pas ta sœur ! Que je ne ressemble pas à maman ! Que tu ne ressembles pas à maman ! Dis le que je ne compte pour rien dans cette baraque pourrie !! Pour rien et pour personne !! »
Yuichi s’était levé et avait frappé ses poings sur la table. Le bruit avait résonné dans toute la pièce silencieuse. Tori la regardait d’un air déterminé. Elle fini par détourner la tête et à se diriger vers la porte. Elle partit en lançant un juron et claqua la porte. A l’étage, assise par terre le dos contre la porte fermée, Emi avait entendue toute la conversation. Dehors, il pleuvait.
 
 « Salut les jeunes de Tokyo !! Vous êtes sur radio ados !! Ce mat’ de la neige et encore de la neige !! 0°C dehors, couvrez-vous bien ! Et on enchaîne avec « Blink » de John Dahlback, véritable carton en ce moment ». La voix enthousiaste d’un homme résonna dans la pièce, malgré quelques interférences. Une musique elektro commença alors et Emi se réveilla. Elle n’éteignit pas son radio-réveil et s’habilla directement, ayant prit sa douche la veille. Elle enfila une nouvelle chemise propre et une autre jupe repassée, puis une paire de chaussettes et prépara ses affaires dans son sac. Elle le prit et écouta la fin de la chanson avant d’appuyer sur le bouton gris et arrêta son radio-réveil. Elle descendit avec ses affaires à l’étage où le repas était déjà préparé, à la fois celui du matin et du midi. Emi engloutit son petit déjeuner en quelques bouchées tellement elle était affamée et rangea ses chaussures dans son sac. Elle enfila sa veste de cours bleue marine et se chaussa d’une paire de rollers bleu électrique et argenté, ainsi que des protections aux mains et aux genoux. Elle embrassa son père sur la joue, qui venait juste de se réveiller, et son frère qui faisait la vaisselle. Elle sortit dans la cour de la maison familiale et alla dire bonjour à son chien Hikari, qui le lui rendit à grands coups de langues sur le visage. Voyant l’heure, elle ne s’attarda pas plus chez elle et fila vers son lycée. Contrairement à la veille, et même malgré la neige, il faisait assez beau et pas très froid. Même le vent était agréable, comme au printemps. Elle resta dans ses pensées, à propos de la veille, de se qu’elle avait découvert. « Hey ! Emi ! Tu es revenue ? ». Une voix familière à la jeune fille retentit derrière elle : c’était son ami d’enfance, Sacha, qui roulait à quelques pas avec son vélo.
« - Oui, je suis là. Comment vas-tu ?
- Bien, bien. Mais on s’inquiétait pour toi ! Tu étais passée où ?
   - Quelque part...
- Bon, comme d’hab’ après le lycée, dans le réfectoire à 16h ?
   - Oui, oui, bien sûr.
- O.K. A tout à l’heure !
   - A tout à l’heure »
Sacha, ses cheveux mi-longs noirs et dont quelques mèches étaient teintes en cuivrées, doubla Emi par la droite et lui adressa un signe de main encourageur avant de sprinter. En effet, il était presque 8h30. Emi se dépêcha elle aussi et arriva juste à temps au cours de mathématiques. Elle s’installa à sa place habituelle, sans se soucier des regards qui se posaient sur elle ni des paroles des commères qui papotaient derrière son dos. Elle était assise tout au fond de la salle, près de la fenêtre. A sa droite était déjà assise son amie, Tomore, mais elle resta silencieuse et n’osait adresser la parole à Emi. Elle détourna même la tête lorsque cette dernière la regarda. Finalement, Emi ne pouvait avoir confiance en personne, à part Sacha. Le professeur de mathématiques entra, tout le monde se tu, le cours commença.
A midi, Emi sortit son déjeuner préparé par son grand frère : c’était lui le plus doué en cuisine dans la famille, surtout après la mort de leur mère. Cela faisait étrange de voir un homme avec un tablier à dentelle, mais Emi trouvait cela drôle, surtout si le tablier était trop petit pour pouvoir l’attacher. Emi mangeait tranquillement lorsqu’une voix se fit entendre en bas, dans la cour. Immédiatement, elle dévala les marches quatre à quatre tandis que les autres se contentaient d’observer par la fenêtre. Un petit groupe de dégénérés s’en prenait à une jeune lycéenne. Elle tentait de se débattre mais rien n’y faire : ils étaient plus nombreux, cinq au total.
« - Allez, ma jolie, file-moi ton portable ou on t’enlève ta chemise.
- Non !
   - Vous savez que ce n’est pas bien de s’en prendre à une fille, surtout si vous êtes plusieurs ?
- T’ain t’est qui toi ? Tu sais que t’es plutôt pas mal comme nana ?
   - Si tu veux voir de plus près à quoi je ressemble, viens ! Je t’attends ! »
Le chef miteux de la bande se jeta sur Emi, qui l’esquiva d’un pas sur le côté et en profita pour lui faire une clé de bras. Elle lui chuchota à l’oreille : « Il ne faut jamais sous estimer les filles. Et puis, il faut dire que t’es plutôt naze comme mec : tu te fais battre par une nana ! ». Il se libéra se la clé de bras et tenta de lui donner un coup de poing, ses acolytes complètement tétanisés. Elle le contourna facilement, lui fit un croche pied et le plaqua au sol, s’asseyant même sur son dos. Elle s’adressa aux autres membres du groupe : « Barrez-vous ! » et ils s’exécutèrent. Au chef, elle lui dit : « Tu veux savoir qui je suis ? Emi Ayate, comme ça, si tu essayes de rejouer un coup pareil à une fille, tu sais que je suis dans les parages, compris ? Alors fais de l’air et va voir ailleurs si j’y suis ». Il partit en courant, sans demander son reste. La jeune fille remercia Emi, mais elle s’en fichait : c’était un combat gagné d’avance. Elle aimait bien les combats difficiles, comme avec les Fenrirs ou encore le golem de pierre que Cassidy avait invoqué. Là, c’était des matchs compétitifs et dont l’issue du combat n’était pas prévisible. Elle repensait à tout cela en remontant les marches et en s’asseyant à sa place. A une heure, la sonnerie retentit et le professeur d’histoire pénétra dans la salle.
Les cours se sont terminés à 16h. Pendant que tout le monde rentrait chez eux, Emi, elle, resta au lycée et prit la direction du réfectoire : une grande salle insonorisée où les musiciens en herbe s’entraînaient. Cette pièce était séparée en deux partie : une partie conservatoire, disposée pour un orchestre de musique classique, et une salle enregistrement. Sacha attendait Emi dans la salle enregistrement avec d’autres personnes : Keita, Ahito et Shinichi. Keita, cheveux courts teints en rouge, était déjà derrière sa batterie, baguettes à la main. Elle discutait avec Shinichi, au piano, les doigts sur les touches blanches, les cheveux longs attachés en une queue basse par un élastique. Ahito, fanatique de musique classique, répétait quelques morceaux au violon, sa coupe au bol lui donnant un air de premier de la classe. Sacha avait enfilé sa guitare électrique rouge tapante à son épaule.
« -Emi, t’es prête ? Tu n’as pas besoin de revoir les paroles ? Là, je vais mettre l’enregistrement en route.
- Non, c’est bon, je me souviens des paroles.
   - Alors c’est parti ! »
Il appuya sur un bouton rouge et Ahito commença à jouer du violon, puis Keita de la batterie, Shinichi quelques touches de piano et Sacha un petit solo avant qu’Emi ne chante...
 
   Cela faisait maintenant un mois qu’Emi était revenue chez elle. Depuis son retour, ses notes n’étaient pas au maximum de ses capacités, elle passait la plupart de son temps à jouer à Tales of Symphonia et à écouter de la musique. Elle se battait de plus en plus contre les voyous du lycée, en ressortant vainqueur, et elle se donnait à fond dans les rendez-vous du groupe. D’ailleurs, ils avaient faits assez de musiques et les avaient compilés en un album, un exemplaire par membre du groupe pour le moment. Mais ils prévoyaient grand : ils en avaient envoyé une copie à une maison d’édition mais n’avaient pas encore reçu de réponses. Justement, après une énième répétition, Emi rentra chez elle et jeta son sac par terre, dans sa chambre. Elle alluma tout de suite son PC, un morceau de gâteau au chocolat dans la bouche et mis le CD en route. La première musique était entraînante et Emi l’aimais déjà. Elle brancha sa Game Cube et combattit quelques monstres avec Zélos. Elle resta ainsi pendant une heure jusqu’à ce que son frère l’appelle pour manger. Pendant tout le repas, Emi resta pensive. En fin de compte, elle n’aurai jamais du revenir et se faire passer pour morte dans son monde. Elle détestait sa vie, son école, son destin tracé... Les jours qu’elle avait passés en compagnie de personnages irréels étaient mieux que sa vie sans but précis ici. Elle voulait y retourner, par tous les moyens possibles. A table, il n’y avait que son frère et elle.
« - C’est demain, Emi, que tu as ta compétition de gymnastique ? demanda Tori.
- Mm ? Ah, oui, c’est demain après-midi à 13h30. Tu seras là ?
   - Moi ? Oui bien sûr, mais papa je ne crois pas : il doit passer des épreuves à ses élèves sur le Kendô ; et j’ai vu Yuichi hier vers le centre ville : je ne pense pas qu’elle viendra.
- De toute façon, elle n’est jamais venue... Comme papa. Il n’y avait que toi et maman, dans mes débuts...
   - Mouais. »
Le reste du repas se termina en silence total.
La foule acclamait les sportives à partir des gradins. Toutes les jeunes filles étaient en tenues moulantes de couleurs différentes. La salle au centre était parsemée d’équipements : une poutre, des barres parallèles, des barres asymétriques, des anneaux, un tremplin pour le saut et des tapis de sols. Toutes les candidates s’échauffaient les poignets, les bras, les pieds, des genoux, le bassin, la tête pour éviter de se fouler un membre ou, dans certains cas, de se casser une cheville ou un poignet. Tori avait rapporté une énorme bannière avec marqué dessus en rouge frappant « Emi, tu es la meilleure !! », un petit Tori dessiné à côté l’encourageant. Emi, qui était la championne nationale de gymnastique toutes catégories confondues, tournait ses poignets lorsqu’elle lut la bannière et sourit. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en une queue haute par un élastique bleu, de la même couleur que sa tenue, qui ressemblait à un maillot de bain une pièce. Une voix résonna dans le haut-parleur : Emi devait commencer par la poutre. Elle s’y dirigea d’un pas serein. Elle avait demandé de faire passer une musique pendant son passage, qui lui avait été accordé : c’était autorisé dans le règlement. Dans toute la salle, la musique qu’elle avait composée avec ses amis retentit dans la salle, et elle exécuta une entrée magnifique en poirier sur le bord de la poutre. Elle poussa un peu sur ses mains et posa ses pieds sur le centre de la longue planche solide. Elle se retourna, toujours en équilibre et fit trois salto arrière en posant ses mains sur la fine poutre. Elle enchaîna avec deux roues avant et continua plusieurs enchaînements de ce genre. Quelques minutes plus tard, elle fut appelée pour le saut. Il y avait environ six mètres qui la séparait du tremplin. Elle respira un bon coup et s’élança. Elle savait quelle figure elle allait faire, où il fallait qu’elle pose exactement ses mains et quelle puissance elle devait exercer sur le tremplin pour la propulser assez haut. Elle courait vite puis sauta à pied joint dans le centre en plein dans le filet élastique, posa ses mains écartées sur le cheval d’arsaut et s’éleva en l’air. Elle tourna sur elle-même plusieurs fois d’affilé, comme si l’air qui l’entourait avait toujours été son élément et atterrit les deux pieds au sol, sans déséquilibre percevable. Un bon nombre de personne l’applaudit. Et tout l’après-midi se déroula ainsi.
« - Bravo Emi !! Je suis fier de toi petite sœur !
- Merci Tori, mais c’était vraiment facile. On aurait dit que les candidates étaient encore plus nulles que l’année dernière.
   - En tout cas, tu gardes ton titre de première championne de gymnastique ! Félicitation ! »
Tori conduisait, Emi assise du côté passager à côté de lui. Elle avait posé la coupe en or qu’elle venait de gagner sur ses genoux.
« - En rentrant, je te prépare tous les plats que tu préfères !
- Tori, tu n’as jamais eu l’impression de te sentir... décalé dans ce monde ? »
Le sourire qui s’affichait sur le visage de son frère s’effaça.
« - C’est pour cela que tu as fugué il y a un mois ? Parce que tu te sentais décalée par rapport aux autres et...
- Pas par rapport aux autres, mais par rapport à notre monde. L’argent, le pouvoir, les discriminations, les guerres, la politique... Ce monde, NOTRE monde est pourri, dans le sens qu’on ne peut pas y vivre sans subir au moins l’un de ces maux. Sans argent, on ne peut pas se nourrir, sans pouvoir, on ne peut pas être remarqué et proposer de nouvelles idées, le monde tourne autour des « races » et des guerres, et la politique ne peut calmer tout cela... C’est peut-être trop philosophique mais je pense que tu comprends ce que je veux dire.
   - Ouais, mais tu ne m’as toujours pas répondue : c’est pour ces raisons que tu as fugué ?
- Je n’ai pas fugué : je me suis évadée de cette prison. Tu vas me prendre pour une folle mais je n’étais plus sur Terre, j’étais autre part...
   - Oui, tu es folle.
- N’empêche que tu as tort de ne pas me croire, car les moments que j’ai passé là-bas étaient les plus beaux de toute la vie : j’avais de vrais amis, j’étais reconnue comme je suis, il n’y avait pas de guerres, il n’y avait pas de problèmes d’argent, du moins, de ce que j’ai vu... C’était un monde presque parfait.
   - Comme tu dis, Emi : un monde PRESQUE parfait. Le monde parfait n’existe pas. Redescend sur terre. Même s’il n’est pas parfait, au moins il y a nous.
- Et c’est bien la seule raison qui m’a poussée à revenir, car je me sentais comme chez moi là-bas »
Tori s’arrêta devant leur maison et Emi sortit immédiatement, ne voulant plus continuer cette discution.
 
   Elle regrettait. Elle regrettait d’être partie de Sylvaha’lla, même si cela relevait de l’inimaginable pour elle de trouver un moyen d’y revenir. Cependant, elle se souvint qu’elle s’était endormie pour y aller. Elle prépara dans un sac à dos quelques vêtements à elle, son mp3 et son casque, ainsi que la peluche que lui avait offert sa mère avant sa disparition. C’était une peluche de chat noir. Emi adorait les chats noirs. Elle revêtit son uniforme scolaire et s’asseya devant son bureau. Quelques minutes plus tard, elle prit une boîte de somnifères, mit son sac à dos et s’allongea sur son lit. « Adieu ». Elle avala trois cachets de somnifères et s’endormit. Tori monta au même moment pour lui demander ce qu’elle voulait en dessert et la trouva profondément endormie. Il prit la boite de somnifères des mains de sa petite sœur et la posa sur le bureau, où il vit la lettre.
« Chers Tori, Yuichi, papa,
 
Je pars loin une fois de plus de vous. N’essayez pas de me retrouver, je ne reviendrai pas. Tori, ne sois pas triste, je serai en bonne santé. Occupe toi bien d’Hikari. J’aurai voulu l’emmener mais j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose là où je vais. Je t’aime grand frère.
Yuichi, je sais que l’on n’a jamais été très proches toutes les deux, même bien avant que maman ne soit plus avec nous. Je veux que tu saches que si j’ai pu te faire le moindre mal, je m’en excuse. Je ne te demande pas de me pardonner, ne de m’excuser, je ne fais que te dire que je t’aime comme une sœur peut aimer sa sœur aînée car je n’avais jamais eu l’occasion de te le dire avant.
Papa, ne pleure pas. Sois fort.
Maman, tu me manques énormément.
 
Je vous aime tous.
                                                                                                                      Emi. »
 
Tori plia soigneusement l’écriture claire et légèrement penchée de sa petite sœur dans sa poche. Il la prit alors dans ses bras et tenta de la réveiller...
Emi était revenue dans la pièce claire et lumineuse. Un cercle magique était tracé sous ses pieds. Exactement comme la première fois, à un détail près : c’était le petit animal, l’esprit originel qui lui était apparut en rêve qui se trouvait en face d’elle. Assit sur ses pattes arrière, ses multiples queues d’une couleur bleu ciel gesticulant derrière lui, Il la regarda et leva sa patte droite. Emi n’hésita pas un instant : elle l’attrapa.
Son frère la secouait.

Emi sentait une surface chaude contre sa joue gauche, une surface sablonneuse. Elle ouvrit péniblement les yeux sous le poids d’une fatigue inexpliquée. Elle vit qu’elle se trouvait dans un désert où une tempête de sable faisait rage. Plus loin en face d’elle, elle percevait une silhouette qui s’avançait lentement vers elle. Elle referma les yeux. Elle était soulagée. Emi était dans le désert de Triet.

 

 




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